HELLS – Ce que vous appelez l’Enfer, elle appelle ça chez elle

» Critique de l'anime Hells par Deluxe Fan le
24 Novembre 2014
Hells - Screenshot #1

Dans une industrie du divertissement aussi productive et surchargée que l’animation japonaise, on n’est pas à l’abri de quelques injustices. Certains animes bénéficient d’une hype disproportionnée là où d’autres sont perdus dès le départ dans les limbes de l’indifférence. Heureusement, quand il s’agit de réparer les torts, vous pouvez compter sur Super Deluxe qui va parler des films que personne connaît.

HELLS est un long-métrage d’animation adapté d’un manga, Hells Angels, de Shinichi Hiromoto ; auteur spécialisé dans la thématique morbide et dans le zombie, mais qui est aussi connu pour avoir dessiné la version manga de Star Wars le Retour du Jedi (oui, ça existe). Long de trois volumes, Hells Angels a semble-t-il tapé dans l’œil de Madhouse qui décide de l’adapter en film d’animation. Ce film est projeté au festival du film de Tokyo en 2008, puis dans un autre festival de films à Montréal. Puis, plus rien. Le film ne sera pas diffusé en salles au Japon ni ailleurs, et ne bénéficiera d’aucune sortie en vidéo. Ce n’est que quatre ans plus tard, en 2012 donc, que Madhouse se décide à commercialiser une version Blu-Ray du film, dans une indifférence générale et compréhensible du public.

Hells - Screenshot #2Nous voilà donc avec un film que personne n’a vu, et dont personne n’a entendu parler. Est-on enfin en présence d’une perle injustement oubliée qui aura droit à une réhabilitation méritée ? Ce n’est pas aussi simple.

HELLS raconte les déboires de Rinne Amagane, une jeune fille en retard pour son premier jour de classe au lycée (je sais c’est dur, ça m’est arrivé). Sur le chemin elle se fait renverser par un camion et décède (ça en revanche ça m’est pas encore arrivé). Elle atterrit alors à Destinyland, aussi communément appelé l’Enfer, où elle se retrouvera aussi dans un lycée mais fréquenté par des démons, des zombis et autres créatures infernales. Persuadée que sa place est chez les vivants, Rinne va se plaindre auprès du directeur-dictateur du lycée, Hellvis (hu hu hu), qui lui annonce que pour revenir chez les vivants elle n’a d’autre choix que de terminer sa scolarité en Enfer…

Une élève qui débarque dans un lycée organisé comme une dictature, des élèves qui ont des superpouvoirs, un tournoi organisé au sein de l’école, un style graphique agressif qui se rapproche de la bande-dessinée… J’ai déjà vu ça quelque part, et ça s’appelle Kill la Kill. Non, sérieusement, c’est juste totalement la même chose. Les personnages sont identiques, la construction du récit est identique, les thèmes sont identiques ; quant à la direction artistique c’est la même que celle de Trigger mais en plus poussée et en plus travaillée. Et le pompon, c’est que HELLS a été réalisé cinq ans avant Kill la Kill - c’est donc bien Trigger qui est ici pris en flagrant délit de plagiat.

Hells - Screenshot #3Si je fais cette comparaison ce n’est pas juste pour enfoncer Imaishi et ses potes (un peu quand même), c’est surtout pour illustrer le principal problème de HELLS : cet anime s’est trompé de format, et n‘aurait jamais dû sortir en long-métrage. Et c’est sans doute en voyant le résultat que les producteurs de Madhouse ont décidé de ne pas le commercialiser, laissant le film mourir dans son coin pour ne le sortir qu’une fois bien certains que le public l’ignorerait.

Le principal souci du film, c’est qu’il est construit comme une série télé, raconté comme une série télé mais avec seulement deux heures pour dérouler son contenu. On a donc une narration trop dense, mal rythmée et dont les effets dramatiques les plus importants tombent à plat à cause d’un manque de développement. Ainsi l’arrivée de Rinne en Enfer et son adaptation à sa nouvelle condition est très rapide et semble clairement rushée de partout. Le scénario se lance au bout d’une demi-heure lorsque le principal du lycée annonce la tenue d’un tournoi de volley-ball entre les différentes classes de l’école. On imagine alors que ce tournoi constituera l’enjeu central du film, mais les matches se déroulent off-screen et l’ensemble est résolu au bout de dix minutes seulement (!). Le film enchaine alors avec une autre séquence sans aucun rapport qui conduit à un plot-twist qui change radicalement les enjeux et le ton du film ; ce qui est là aussi un élément propre à la construction narrative des séries télé, qui s’articulent souvent autour d’un pivot dramatique central situé au milieu ou aux deux-tiers de la progression.

Hells - Screenshot #4Après ce plot-twist pour le coup réellement surprenant (je crois pas avoir vu un truc pareil dans tous les animes que j’ai vus), le film se poursuit de manière linéaire jusqu’à une conclusion malheureusement très maladroite, qui souffre du "syndrome Seigneur des Anneaux" ; on croit que ça va se terminer, mais en fait ça se termine pas, et ça continue, et encore, et encore. Le réalisateur a voulu caser tant bien que mal toute l’histoire du manga, et le dernier tiers du film est vraiment difficile à regarder. Les séquences s’enchaînent mal, les personnages perdent beaucoup d’intérêt, le dénouement final ne fait pas sens.

C’est d’autant plus rageant que sous forme de série télé, même en douze épisodes, HELLS aurait fait des merveilles. Son univers rétro-morbide se situe au croisement inattendu de Tim Burton et Gô Nagai (l'auteur du manga a travaillé sur du Devilman), et son plot-twist à base d’exégèse biblique sort tellement de nulle part qu’il laisse le spectateur bouche bée. Son animation enfin, bien que très limitée, fait preuve d’un jusque boutisme appréciable et profite du talent d’un directeur de l’animation compétent en la personne de Kazuto Nakazawa - un mec qui a l’habitude de travailler sur des animes pas trop merdiques en général.

HELLS méritait amplement de sortir des ténèbres de l’oubli mais le film n’est clairement pas une réussite. Quand on en arrive au point d’être agacé de ce que l’on voit à l’écran et que l’on veut juste voir le truc se terminer, c’est que rien ne peut racheter le film même si on a aimé certaines séquences et que la direction artistique est au poil. Si Trigger est le studio des opportunistes, Madhouse est clairement celui des occasions manquées.

Verdict :5/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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