Kaze Tachinu - Autant en emporte le vent

» Critique de l'anime Le Vent se Lève par Deluxe Fan le
22 Janvier 2014
Le Vent se Lève - Screenshot #1

Le vent se lève (Kaze Tachinu) est le dernier film de Hayao Miyazaki, dans tous les sens du terme. Le réalisateur de 73 ans a en effet annoncé son retrait de la réalisation de films, pour de vrai cette fois semble-t-il. Le vent se lève constitue donc son testament cinématographique, et s’il sera intéressant de l’étudier sous cet angle, on se limitera ici à donner un rapide avis.

Tous les grands réalisateurs de cinéma se distinguent par un thème récurrent qu’ils développent et explorent dans leurs créations. Chez Miyazaki ce thème est principalement le pacifisme, autant envers les hommes qu’envers l’environnement, où il se nomme alors écologisme. Une obsession typiquement japonaise qu’on explique, entre autres, par le rapport à la nature compliqué de ce pays sans cesse traversé par les catastrophes naturelles. Mais la particularité de Miyazaki est de ne pas chercher à attaquer ce thème de front mais d’utiliser des chemins détournés, au travers notamment du fantastique et du conte. Les messages sont ainsi transmis de manière ludique et permettent aux films de toucher un large public tout en conservant leur identité.

Pour son ultime réalisation, Miyazaki a choisi de rejeter la méthode qui l’a rendu célèbre et de prétendre au réalisme et la vérité historique. Il s’agit de porter à l’écran la vie de Jirô Horikoshi, ingénieur en aéronautique ayant notamment conçu le Chasseur Zéro, fleuron de la flotte japonaise de la Seconde Guerre Mondiale. Le récit se déroule principalement durant l’entre-deux-guerres, le film débutant par le séisme de 1923 qui dévasta Tokyo et sa région.

Le Vent se Lève - Screenshot #2Cette histoire a bien évidemment une résonance particulière lorsqu’elle est traitée par un réalisateur dont le père était lui-même concepteur d’avions et qui n’a eu de cesse de mettre en scène le ciel et le vent dans ces films. De même, cette période historique cruciale pour le Japon (retrait de la Sociétés des Nations en 1933 suite à l’invasion de la Chine, alliance avec l’Allemagne nazie…) est le terreau plus qu’idéal pour un réalisateur engagé qui a des comptes à régler avec l’Histoire.

Pour ce qui concerne le thème de l’aviation, le film mérite d’être porté aux nues. Aucun film d’animation n’aura parlé d’avions de manière aussi passionnée et passionnante. L’aéronautique est un domaine qui peut sembler rébarbatif de prime abord mais que Miyazaki rend captivant, grâce notamment à la ferveur du personnage principal. Ce dernier se montre très tôt obsédé par le sujet et a pour ambition de doter le Japon d’une flotte aérienne digne de concourir aux côté des occidentaux. De réussites en échec, Jirô fait son chemin dans le monde de l’aéronautique en compagnie de son idole, un ingénieur italien qu’il rencontre dans des rêves superbement mis en scène.

Le Vent se Lève - Screenshot #3Techniquement la claque était attendue et la claque est bien là. L’animation des très nombreux engins, volants ou non, fait preuve d’un souci du détail qui force le respect et remet en perspective les standards du cinéma d’animation à l’heure de la 3D triomphante. Depuis la stupéfiante scène du séisme jusqu’aux nombreux ballets aériens, les yeux des amateurs d’animation traditionnelle sont en émoi et ne peuvent que louer la maîtrise du studio Ghibli. La musique est servie par un Joe Hisaishi en grande forme qui nous propose un thème principal simple et attachant.

C’est la manière dont est racontée l’Histoire, avec un grand H, qui posera le plus de questions dans ce film. En travaillant pour l’armée japonaise et en construisant l’avion qui servira pour Pearl Harbor, Jirô Horikoshi fait partie des personnages ayant contribué à l’effort de guerre japonais, dont la gravité et les valeurs sont encore vivement débattues aujourd’hui. Ce personnage n’est donc pas neutre dans le conflit ; mais son avatar dans le Vent se lève est au mieux détaché, au pire étranger au monde. D’abord obnubilé par ses projets aériens, puis emporté dans une histoire d’amour mêlée de drame, Jirô ne porte aucune réflexion sur les évènements qui se déroulent devant lui et auquel il contribue. Cette attitude traduit sans nul doute une volonté du réalisateur, puisque les personnages eux-mêmes ne manqueront pas d’imputer à Jirô son insouciance. Il n’empêche, pour un Miyazaki si prompt à forcer son message pacifiste-écologiste dans ses récits, et qui il y a peu appelait les réalisateurs d’animes japonais à s’emparer de sujets plus sérieux, il est incompréhensible de le voir si tiède et mesuré sur un sujet qui pourtant se situe à la croisée de toutes ses obsessions. Peut-être y-a-t’ il la volonté de respecter le personnage de Jirô Horikoshi, de ne pas heurter la sensibilité des citoyens japonais dont le passé impérial reste un thème clivant, ou est-ce simplement l’âge qui a assagi le réalisateur du Château dans le Ciel et de Porco Rosso. Il n’en reste pas moins que le frisson intellectuel attendu laisse place à un sentimentalisme jusqu’à lors inconnu chez Miyazaki, même si la fin très prévisible et amenée avec la pudeur et l’élégance de rigueur.

A un moment du film, l’ingénieur italien Caproni qui accompagne Jirô dans ses rêves l’enjoint à profiter de ses « meilleures années » pour suivre sa voie et faire de son mieux. Hayao Miyazaki est sans nul doute loin de ses meilleures années, lorsque ses grandes fables écologistes emmenaient le spectateur dans de mondes merveilleux auprès de créatures incroyables. On est ici dans la gravité, l’intimisme et la nostalgie. Une tonalité appropriée pour un réalisateur qui n’a que trop tardé son départ. Le vent s’est arrêté pour Miyazaki et il est temps pour la relève de s’envoler.

Verdict :7/10
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Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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