Critique de l'anime Serial Experiments Lain

» par XeNoMeS le
08 Mars 2015
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Je suis tombé sur cet anime par hasard. Intrigué par la photo de profil d’une connaissance sur un forum (une photo de lain ), j’ai fait une recherche d’image et je me suis retrouvé face au synopsis de ce manga que je peux, l’ayant fini, qualifier de merveille.

Avant toute chose je vais être clair, ceux qui n’aiment pas les animes "prise de tête" peuvent passer leur chemin, Lain n’est clairement pas une série pour eux.
Les autres, qui aiment se poser des questions métaphysiques sur l’existence de Dieu, la relation entre virtuel/réel… devraient adorer Lain.
"And you don't seem to understand..." ces paroles qui ouvrent le superbe opening peuvent à elles seules résumer le sentiment qui nous traverse pendant chaque épisode. Sorte de cross over entre Ghost in the Shell et une œuvre de Satoshi Kon (notamment Perfect Blue et/ou Paranoia Agent) avec des passages en introspections, vraisemblablement inspirés d'Evangelion que j’apprécie tant, Serial Experimental Lain nous transporte dans une autre dimension dont il sera très difficile de sortir.
La série nous raconte l'histoire de Lain, collégienne renfermée sur elle-même qui va se retrouver à explorer le monde virtuel du "Wired", après qu'une de ses camarades qui s'est suicidée quelques jours plus tôt lui envoie un mail pour lui demander de la rejoindre. Ainsi, au même rythme que Lain, le spectateur va progresser dans cette sorte de réalité alternative et, comme Lain, va peu à peu avoir du mal à différencier le concret du virtuel.

L'histoire est très complexe, sans être pour autant incompréhensible. Certains points sont vraiment obscurs sur le moment, mais sont expliqués un ou deux épisodes après.
Œuvre atemporelle, Lain joue sur les images et les métaphores et transporte le spectateur dans un trip audiovisuel comme on en voit très peu souvent.

La trame se déroule en trois parties:
l
a vie monotone et journalière de Lain, cette phase permet de poser les bases et nous permet de nous fondre dans l’univers.

Un enchainement d'actions psychologiquement dérangeantes (entrainant une certaine paranoïa parmi les personnages et le spectateur)
et un débat métaphysique dans la tête de Lain.

Elle est plutôt linéaire, manque un peu de rebondissements réels, cela permet toutefois à l'anime de maintenir jusqu'au bout le suspense de la compréhension de l’histoire.
Il est donc très facile de décrocher dès les premières minutes tant le tout semble aux premiers abords dénué de cohérence. Plusieurs narrateurs, scénario qui gagne en complexité mais pas en clarté, personnages secondaires dont le rôle est plus que flou, Lain est définitivement une épreuve chargée de récompenser les plus téméraires. En effet, c'est seulement dans les derniers épisodes que tout prend enfin son sens et donne une cohérence frappante à toute la série. Ainsi, seuls ceux qui ont eu le courage et l'intelligence d'aller jusqu'au bout auront le privilège d'assister à un final qui laisse pantois et qui propulse la série au rang de chef d'œuvre.

L’univers comme le scénario est basé sur l’informatique. Jamais on ne verra dans cette série quelqu’un qui ne possède pas de Navi ou qui ne s’est jamais connecté au Wired. Quant au vocabulaire utilisé, il peut en laisser plus d’un perplexe : pour peu que l’on ne s’y connaisse pas du tout en informatique, on est vite perdu. De plus, très souvent informatique rime avec métaphysique, alors….

Métaphysique, oui, car on aborde ici la question de l’existence de Dieu, et même de l’existence tout court : on retrouve ainsi les théories de Descartes (Cogito ergo sum : le doute prouve notre existence), ou encore de Kant (Ce qui existe c’est ce que l’on voit), mais aussi de nombreuse théories modernes sur l’Inconscient Collectif, qui font partie des clés pour saisir toute l’essence de la série et la profondeur du scénario. Alambiqué au possible, il nous emmène aux frontières du Monde Réel et du Wired, monde virtuel labyrinthique et cauchemardesque qui se substitue de plus en plus au Monde Réel au fur et à mesure de l’évolution de Lain, qui va petit à petit prendre conscience du but de son existence et de son véritable « moi ».

La réflexion ici porte aussi sur l’influence d’Internet sur les comportements humains, en particulier auprès des adolescents (jeux en ligne, drogues, rumeurs, sectes et suicides), thématique toujours très actuelle, peut-être même plus qu’à l’époque de la série. Tout le monde est au courant de l’incroyable pourcentage de la population actuelle présente sur les réseaux sociaux. De plus la technologie ne cesse de progresse comme le témoigne les Google glass qui amincissent encore la limite entre les réseaux et le monde réel.

L’univers de cette série aux multiples facettes a bien entendu en son centre le personnage de Lain. Son visage de poupée aux yeux grand ouverts semble toujours s’interroger sur le monde qui l’entoure, sur sa propre existence, et tout en elle montre qu’elle est totalement en-dehors de la réalité (peau très pale, étrange coupe de cheveux avec sa tresse, pyjama « Ourson »…) : Yoshitoshi Abe a réussi à créer ici un personnage au style unique et en parfaite adéquation avec l’univers tortueux du Wired. Quant à sa personnalité, il est troublant de remarquer à quel point elle évolue au cours de la série, et que son Navi évolue en même temps qu’elle (comme lui dit son père au début de la série, d’ailleurs…), en particulier à partir du moment où elle installe le mythique processeur Psyché.

L’ambiance visuelle est également très travaillée. On assiste ainsi à de longues séquences « cyber-psychédéliques » à travers l’infinie complexité du Wired, où défilent textes étranges et tâches de couleurs informes, mais on découvre aussi des ombres très bizarres qui se dessinent sur la silhouette de Lain, ou encore des effets de flou ou « d’écran qui saute » (je sais pas comment je peux mieux l’expliquer….), qui nous immergent totalement dans un monde irréel à la frontière du virtuel pourtant proche du nôtre, nous troublant ainsi encore plus…

L’introduction de chaque épisode est sans aucun doute bien réfléchi , mais aussi un des éléments les moins compréhensibles de la série… Je pense notamment au fameux « Present day, present time » (rien que d’y penser ça me donne des frissons…) au début des épisodes, mais aussi à la séquence qui revient constamment (avec le feu, les piétons, les voitures, les lumières…), toujours avec un commentaire différent, en rapport avec le titre des Layers. Nom étrange pour des épisodes, d’ailleurs : au fur et à mesure des Layers, l’intrigue gagne en complexité et en profondeur. Serait-ce une métaphore pour énoncer différentes couches formant finalement un « tout » : la Réalité ? De plus, chaque titre est vraiment intrigant, et évoque un aspect particulier parmi tous les thèmes traités au cours des épisodes….

L’ambiance sonore de la série est elle aussi très travaillée. Des bruits de transformateurs électriques ponctuent la série à tout moment (zooms fréquents sur les innombrables câbles de transmission), de même que des bruits de brouillage des écrans ou encore des voix humaines « informatisées » ou synthétiques contribuent à créer une atmosphère véritablement oppressante, renforçant le sentiment de malaise qui se dégage constamment autour de Lain. L’opening quant à lui est magnifique ! Il est envoûtant, charmant, apaisant et intriguant , tout à la fois.
Serial Experiments Lain est une véritable réflexion sur l'identité, le soi, l'existence, mais aussi sur Dieu, la religion, et ce par le biais d'une plongée dans monde virtuel dérangeant, Surprenant. Cette série est effroyablement véridique, réfléchi, et nous plonge dans un abyme d'inquiétudes, un univers dont nous ne savons rien, nous ne contrôlons rien, et que nous subissons sans s'en rendre compte. Un véritable chef d'œuvre.

Ce magnifique anime fait décidément partie de ces perles de l'animation japonaises qui, sans intrigue bien définie, arrivent à instaurer une très grande complexité qui en laissera plus d'un sur le bord du trottoir. Ceux-là passeront à côté d'une expérience unique. Alors, je vous recommande ce voyage atypique, vous ne le regretterez pas…

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

XeNoMeS, inscrit depuis le 18/10/2012.
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