Waga Seishun no Arcadia – Do what you want ‘cause a pirate is free

» Critique de l'anime Albator 84 (Film) par Deluxe Fan le
16 Mars 2014
Albator 84 (Film) - Screenshot #1

Dans la mythologie grecque, l’Arcadie est une contrée montagneuse et sauvage, peuplée de bergers vivant en paix et en harmonie avec les dieux. Ce pays idyllique est au fil des interprétations devenu une allégorie de l’Âge d’Or, ce concept évoquant un temps de gloire et de richesse aujourd’hui révolu, invoqué dès que quelqu’un entonne le célèbre « c’était mieux avant ». Cette théorie de l’Âge d’Or, intimement lié à la nostalgie et la mélancolie, se retrouve dans la plupart des cultures et en particulier au Japon. Ce n’est donc pas un hasard si Leiji Matsumoto, un des créateurs les plus importants dans l’histoire de l’animation japonaise, a fait de l’Arcadie le thème de son œuvre la plus réputée.

Après avoir pratiquement inventé la culture otaku grâce à la saga Uchû Senkan Yamato, Matsumoto règne sans partage sur les années 1970 avec Galaxy Express 999 puis Captain Harlock, qui le fera découvrir au monde entier. Suite à la première série Space Pirate Captain Harlock (Albator 78) la Toei met en chantier une deuxième série avec le même personnage, sous le titre Endless Orbit SSX (Albator 84). Cette dernière sera précédée d’un film ayant pour but de mettre en place la nouvelle continuité. Ce film, souvent cité par les spécialistes comme la pierre angulaire du Leijiverse, fut charcuté en cinq épisodes lors de sa sortie française après avoir été dûment censuré. Ce qui explique peut-être qu’il soit si mal connu.

Albator 84 (Film) - Screenshot #2Il s’agit donc de raconter les débuts du capitaine corsaire et surtout les origines de son combat pour la liberté. Descendant d’une lignée de pilotes d’aviation prenant racine au XXe siècle, Harlock est aux commandes du Deathshadow, vaisseau de guerre dont il se sert pour rapatrier des réfugiés Terriens pris dans la guerre entre la Terre et les Illumidas, peuple avancé ressemblant en tout point aux humains à une pigmentation dermique près. A son retour sur Terre, Harlock constate avec horreur que les Illumidas ont conquis la Terre et réduit sa population en esclavage. Ulcéré par les chefs militaires Terriens qui collaborent avec l’envahisseur, Harlock entre en contact avec plusieurs membres de la résistance dont un, Toshiro, lui confie le commandement d’un vaisseau secret qui pourrait bien servir la cause terrienne : l’Arcadia. Arcadia… un nom qui sonne comme le vent d’un nouvel espoir, l’espoir d’un peuple ivre de liberté qui briserait ses chaînes, qui se lèverait contre l’ennemi quitte à en mourir plutôt que de continuer à servir comme des chiens dociles.

Un empire galactique, une résistance qui s’organise pour combattre au mépris du danger et des collabos ; on retrouve des éléments connus de la SF de l’époque, qui transposent dans un contexte futuriste une vision idéalisée de la Résistance Française lors de l’Occupation. Yamato utilisait certains de ces éléments, tout comme le faisait Star Wars sorti quelques années auparavant (un petit film américain, pas très connu). Après tout, le Japon qui a connu lui aussi une période d’Occupation est tout à fait légitime pour utiliser, voire abuser de ce sujet dans ses récits. De plus, ce thème de la Résistance est un terreau idéal pour faire ressortir des thèmes très appréciés tels que la lutte contre l’oppression, la soif de liberté, l’amitié, l’amour, l’honneur, etc. Et le film ne se gêne pas pour exploiter tous ces thèmes et de façon totalement assumée et grandiloquente, si bien que l’on ne se trouve pas en face d’un récit moralisateur comme beaucoup de productions occidentales, mais bien d’une fresque épique, d’une tragédie moderne incarnée dans un personnage qui prend sur lui tous les espoirs de l’humanité.

Albator 84 (Film) - Screenshot #3L’histoire en elle-même est très intéressante et ne tombe à aucun moment dans le piège de la niaiserie, ce qui implique des morts de personnages parfois assez émouvantes dont une qui à elle seule a sans doute justifié la censure du film en France. De manière générale le sens du sacrifice est un des thèmes centraux du film, Matsumoto ayant bien compris qu’une vraie guerre n’est pas celle où tout le monde survit, et que les personnages doivent savoir s’effacer devant les idéaux qu’ils véhiculent. Harlock est lui-même un héros romantique et nostalgique, mais ce n’est pas non plus un idéaliste naïf qui réussit tout grâce au "pouvoir de l’amitié" ; c'est plutôt celui qui fait preuve de courage et de sens des responsabilités. Des valeurs mises en scène dans une conclusion excellente – que je ne peux pas vous raconter mais que ceux qui connaissent la saga peuvent deviner – et qui pose parfaitement la base du personnage, de l’icône, d’Harlock.

Si l’animation du film représente très bien ce qui se faisait de mieux à l’époque, c’est surtout au niveau de la cinématographie que le film tire son épingle du jeu. Long de deux heures, les équipes de la Toei ont parfaitement répondu à l’ambition d’un long-métrage avec des plans étudiés, des décors superbes et un chara-design travaillé même si, on le sait, Leiji Matsumoto ne sait dessiner que trois têtes d’hommes et deux de femmes. Le dernier combat du film est une bataille spatiale aux allures de bataille navale tout à fait conforme à l’esprit Matsumoto-esque.

De manière générale Waga Seishun no Aracadia mérite son titre de parangon du Leijiverse tant il reprend les thèmes chers à l’auteur tout en se révélant accessible aux non-initiés et parfaitement réussi dans son exécution. Sorti la même année que deux autres poids lourds de la SF animée avec SDF Macross et les films Ideon, il marque également la fin de l’hégémonie de Matsumoto sur l’animation japonaise. En effet, la sortie de Gundam en 79, de Macross en 82 et de Votoms en 83 détourne le public otaku naissant des récits de space-opéra classiques pour leur préférer ce que l’on appellera plus tard les animes de méchas. La série Endless Orbit SSX (Albator 84) qui fait suite à Waga Seishun no Arcadia connaîtra de faibles audiences et sera annulée à la moitié de sa diffusion. Rien qui ne doit cependant empêcher le public de (re)découvrir cette œuvre pleine d’idées et de valeurs, ancrée aussi bien dans une certaine mélancolie de l’Âge d’Or que dans une confiance dans le futur et le progrès vers la liberté.

Verdict :8/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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