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Critique du manga Ayako

» par Afloplouf le
21 Août 2011
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Commençons par un petit mot sur la réédition du manga à l'occasion des 25 ans de Delcourt. Bonne idée, d'une part certains tomes étaient introuvables, et d'autre part le résultat est absolument incroyable. Les 3 tomes sont ici réunis en un unique volume avec une couverture cartonnée et une sur-couverture sobre qui transpire la classe. Cette nouvelle édition respire la qualité comme on dit : que ce soit le papier qui ne se déchirera pas au moindre geste, l'encrage soignée ou la reliure qui tiendra le choc. Après, ce n'est pas une volume qu'on embarquera à la plage... Un choix pertinent aussi de par l'aura légitime du maître et de par la qualité de cette série.

Le premier atout d'Ayako, le premier qualitativement et le premier qui saute aux yeux, c'est bien la maîtrise graphique. C'est tout simplement bluffant, certes le trait peut avoir vieilli mais Tezuka sait dessiner des visages, il sait dessiner des corps de femmes. Surtout, c'est le découpage des planches qui est absolument hallucinant. Le style est très cinématographique, incroyablement vivant. Le lecteur se retrouve happé dans l'action et les émotions.

Mais le talent du Dieu du manga est aussi celui du conteur. Il sait dans Ayako mélanger l'Histoire à l'histoire. D'un côté, le Japon de l'après-guerre, de l'autre l'histoire du famille qui s'englue dans ses secrets et en pivot, en liaison de la grande et de la petite histoire, la vie d'Ayako, d'une petite fille qui devient femme-enfant dans des circonstances si particulières. C'est l'incarnation idéale de la figure tragique, de la fatalitas, qui n'a de toute façon pas le choix.

Pour la grande Histoire, Tezuka évoque avec finesse la période tout juste après la Seconde Guerre mondiale au Japon. On y voit l'occupant américain qui dépasse souvent ses prérogatives et marche sur les plates-bandes du nouveau gouvernement pour contrer la montées des mouvements de gauche. Seulement je vous arrête tout de suite si vous croyez que ce manga est un pamphlet nationaliste, l'ancien médecin critique tout autant une société japonaise rétrograde qui n'a pas encore sorti du Moyen-âge. La famille Tengé tient véritablement du féodalisme où les maîtres ont tous les droits sur leurs gens. Et c'est aussi à porter au crédit des américains cette modernisation de la société, notamment les femmes.

Pour la petite histoire, c'est celle de Jiro, prisonnier de guerre renié à son retour et qui fait les basses besognes de l'occupant pour sauver sa vie (comment ne pas y voir une métaphore du Japon moderne ?). C'est aussi celle du père, le chef de clan, qui n'a plus sa place dans ce nouveau Japon et du fils aîné Ichiro anachronique. C'est l'histoire de Sué, femme-objet qui devient un être humain. C'est l'histoire de ces policiers, certains qui regrettent l'impérialisme où ils étaient tout puissants dans leurs enquêtes, et ceux qui au contraire sont rassurés de pouvoir travailler sans la pression politique. C'est évidemment l'histoire d'Ayako, petite fille sacrifié pour le secret, femme détruite pour sauvegarder un passé déjà mort.

Le manga a des faiblesses. Certains personnages semblent inutiles, des rebondissements perdent brièvement le lien logique mais ces maigres défauts s'effacent devant cette tragédie époustouflante. Une pierre de plus à ce monument qu'est la bibliographie de Osamu Tezuka.

Verdict :9/10
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A propos de l'auteur

Afloplouf, inscrit depuis le 14/05/2008.
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