AnoHana : "La fleur que nous avons vue ce jour-là"

» Critique de l'anime AnoHana par binyam le
24 Février 2014
AnoHana - Screenshot #1

Succès critique et commercial, AnoHana (Ano hi mita hana no namae o bokutachi wa made shiranai*) est une œuvre originale érigeant définitivement noitaminA - anagramme du terme Animation - parmi les cases les plus en vogue actuellement au Japon, suivies de près à l’international.

Avec la diffusion d’animés tels que Psycho-Pass ou Silver Spoon parmi les oeuvres les plus récentes et pour ne citer que ces derniers, la case de la chaîne Fuji Tv s’inscrit dans la distribution d’œuvres à thème décalé ou différent, visant généralement un public plus mature, le tout traité de façon singulière. Et le succès ne s’en démord pas, ce, malgré l’heure tardive de diffusion (00h45 à 01h45 dans la nuit de Jeudi à Vendredi). Preuve en a été avec la magnifique série animée AnoHana .

Produit en 2011 par le célèbre studio A-1 Pictures qui n’est plus à présenter (Sword Art Online, Shin Sekai Yori, Silver Spoon, Space Brothers etc. suffisent à eux seuls à témoigner de la diversité de son talent), la série fait partie de ses chef-d’œuvres qui en peu d’épisodes (11) réussissent à scotcher le spectateur et marquer définitivement de son empreinte l’univers de l’animation japonaise, sur la base d'élaboration simplifiée dans le traitement, sans pour autant lâcher du leste quant au travail qui est de grande qualité (animation, character-designer etc.).

AnoHana - Screenshot #2Une fresque pittoresque sublime

Sur la forme, la série jouit de qualités qu’il convient nécessairement de noter. L’efficacité de la mise en scène rythmée par des personnages attachants et évoluant de manière intéressante se retrouve surclassée par une pureté visuelle, étayée par des compositions musicales (l’opening et l’ending TV s’insèrent parfaitement dans le cadre et la thématique de la série) qui réussissent avec merveille à accentuer un animé dont le script et l’intrigue ne sont définitivement pas les seuls atouts à mettre en exergue.

Les personnages, alternant entre apparence adolescente ou enfantine s’inscrivent avec puissance dans un décor déjà bien fourni en couleurs harmonieuses, chatoyantes et généreuses dont l’anime sait admirablement mettre en lumière. Cette plus-value accompagnée d’OST durant les temps forts de chaque épisode viennent donner vie à une puissante mélancolie (le déclenchement du générique final en amont de la fin de l’épisode valorise d’ailleurs ce sentiment, reprenant un processus démocratisé dès les premières heures de Gundam dans les années 80), fil conducteur d’une narration bien ficelée. Pour autant, l’ancrage dans le réel n’est pas oublié avec l’exemple d’un magnifique photo-réalisme du pont Chichibu, place centrale du décor dans l’œuvre et lieu de naissance de la scénariste de l'anime, Mari Okada.

AnoHana - Screenshot #3Le deuil comme leitmotiv du scénario

Cela étant, si la forme est indéniablement de qualité, c’est bien le fond avec la narration que AnoHana arrive brillamment à puiser sa force, en abordant dès le commencement un schéma narratif original, sortant des sentiers battus où l’incipit (situation initiale) de la vie insipide et monotone de Jin-tan suite à la disparition de Menma se mélange avec l’élément déclencheur ou perturbateur qu’est la réapparition de la jeune fille sous forme de fantôme.

A ce propos, plusieurs thèmes sont mis en avant dans la série, dont celui principalement du deuil. En abordant cette question par le biais de diverses étapes successives, AnoHana fait directement écho à la psychologue Elisabeth Kübler-Ross qui avait théorisé en 1969 cinq phases notables (déni, colère, marchandage, dépression, acceptation) du deuil par lesquelles passent une personne affectée par la mort d’un proche ou sa propre mort, à une vitesse et une manière différentes selon les individus. La série fait ici un travail remarquable dans l’expression de ce cheminement que l’on connaît après la perte d’un être cher.

AnoHana - Screenshot #4On retrouve alors un certain nombre de personnages qui, depuis la mort de leur ami il y a dix ans, sont restés bloqués dans le passé et sont tous touchés différemment, de façon plus ou moins flagrante. Ainsi, Jin-tan est devenu un véritable hikikomori restant la plupart du temps cloîtré dans sa chambre. Yukiatsu, lui, garde dans son placard le souvenir de Menma, matérialisé par une robe. Enfin, Anaru et Poppo, préfèrent avoir des fréquentations sans véritable intérêt pour l’une et voyager dans le monde pour parvenir à oublier la douleur de la mort de son ami pour l’autre. L’évolution des personnages véhicule à ce moment une sensibilité, somme toute touchante et on ne peut plus crédible.

Un animé qui puise sa force de ses personnages

Pour tous ces héros, cette délicate acceptation de la disparition de leur ami couplée à celle d’une sorte de transition, du passage du monde de l’enfance à celui de l’âge adulte, sont autant de facteurs émotionnels qui ont pu freiner la possibilité d’une acceptation du deuil, indispensable à leur changement. En cela, l’arrivée du fantôme de la jeune fille va progressivement permettre aux protagonistes d’arriver à la phase d’acceptation, transcendée par le final de l’animé. En outre, la présentation tout au long de l’histoire des « non-dits » (les sentiments non-exprimés de chacun que sont l’amour, la jalousie, la colère etc.) sont autant d’éléments qui leur permettront d’expier cette forme de culpabilité qui les ronge tant.

Pour autant, on pourrait reprocher une suite d'évènements quelque peu maladroite vers la fin de l’animé avec certaines longueurs (le résultat étant que la série aurait pu s’achever en moins d’épisodes), d’un traitement trop inégal et rapide de certains personnages (Poppo qui n’est pas totalement exploité par exemple) ou de l’épisode final stricto-sensu qui pourrait paraître pour certains comme un spectacle surjoué ou larmoyant. Mais nous pourrions également tempérer cette remarque dans la mesure où même si effectivement le final comporte certaines faiblesses sur certains points, on ne tombe jamais tout au long du scénario dans une forme de pathos, la pureté et l’innocence de Menma réussissant subtilement à contrebalancer cette caractéristique, opérant une nuance certaine.

Dans le même registre, le film issu de la série et sorti en août 2013 se veut une reprise de l’histoire, présentant le point de vue de la fille aux cheveux blancs tout en narrant une suite au final de l’animé.

En conclusion

Anohana réussit subtilement in fine à allier avec brio personnage complexe, scénario simple (et non simpliste) et lecture approfondie d’une œuvre touchante disposant de grandes qualités techniques. C’est un véritable bijou que le studio A-1 Pictures a su réaliser. Certainement l’une des meilleures séries courtes de 2011 ! Des souvenirs remplis d’émotions à découvrir pour tout un chacun.

*« Nous ne connaissons toujours pas le nom de la fleur que nous avons vue ce jour-là.»

Nous le connaissons, maintenant...

Verdict :7/10
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A propos de l'auteur

binyam, inscrit depuis le 06/02/2014.
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