Critique de l'anime Memories

» par Lombricus le
16 Mars 2007
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Memories regroupe 3 nouvelles de Katsuhiro OTOMO, qui pour rappel, nous a déjà gratifié d'oeuvres incontournables comme Akira ou encore plus récemment Metropolis et Steamboy.

Pour cet opus, Otomo s'est fait aider par des grands noms de l'animation japonnaise, tant au niveau de la réalisation que de la musique.

C'est en toute confiance que j'ai donc abordé le visionnage de Memories, et je n'ai pas été déçu.

Magnetic Rose nous propose le scénario assez basique d'une équipe d'éboueurs de l'espace contrainte à une mission de sauvetage imprévue dans un lieu menaçant.

Court métrage oblige, on ne s'étend pas sur les personnages ; pourtant les quelques dialogues et plans sur les visages suffisent à cerner les principaux protagonistes et l'ambiance générale.

La menace qui plane autour de cette île perdue dans l'espace va crescendo et l'on subodore rapidement l'issue de cette expédition.

A la manière de l'équipage d'Ulysse à l'écoute du chant des sirènes, nos deux héros sauveteurs, se font absorber par cet îlot de chaleur qui leur manque tant.

Mais ce monde, qui n'apparaîtra finalement n'être qu'une immense illusion sous contrôle absolu d'une entité, démontrera la fragilité de l'humain, et la facilité avec laquelle on peut le détourner lorsque celui-ci est détaché de ses racines.

Ce qui frappe est la qualité technique de ce court métrage que l'on peut qualifier de réussite sur tous les points.

Visuellement tout d'abord, Morimoto qui se charge de la mise en scène réalise ici un travail somptueux ; les dessins sont très détaillés, les personnages très expressifs.

L'animation dénuée de tous plans fixes procure aux scènes spatiales un réalisme très poussé notamment au niveau du rendu général de l'apesanteur et du mouvement perpétuel de cet environnement.

Le contraste entre l'univers froid des débris spatiaux et la découverte des somptueux décors de l'opéra avec des marbres quasi palpables et ses prairies verdoyantes, nous jaillit carrément au visage.

A ce magnifique tableau vient s'ajouter la musique de Yoko Kano qui fait se succéder efficacement des airs de saxo planant qui me rappellent Cowboy Bebop ou encore BladeRunner, à quelques passages de l'opéra Madame Butterbly de Puccini.

Une remarquable réussite visuelle malgré l'année de diffusion et un scénario à l'intensité croissante qui garde en haleine.

Deuxième court métrage, La bombe puante évoque les mésaventures d'un chercheur japonnais qui, croyant soigner son rhume, va malencontreusement absorber un tout autre genre de pilule expérimentale.

Celle-ci va le transformer en une véritable usine à gaz mortel ambulante, dévastant tout le pays sur son passage.

L'originalité de ce court réside dans la manière dont est abordé ce thème : au lieu de sombrer dans les aspects et clichés des classiques récit d'holocauste, Otomo utilise ici l'humour comme catalyseur ; et ma fois ça marche à la perfection : quel plaisir de voir ce pauvre chercheur, ne captant absolument rien à ce qui lui arrive et détruisant les pans de la société que chacun de nous déteste le plus, face à une armée absolument inefficace en dépit de son déballage de grosse artillerie.

Au delà de l'évidente dénonciation des recherches à fins militaires, Stink Bomb est une critique acerbe de la bureaucratie japonnaise, de l'inefficacité de ses gros vieux hiérarques crétins et déconnecté de la réalité, et enfin, un bon pied de nez jouissif au bon samaritain américain qui cette fois ne sauvera pas le monde.

Tensai Okamura (Wolf's Rain) réalise un anime très agréable à regarder ; les personnages sont expressifs et les décors rivalisent de détails.

La musique de Jun Miyake quant à elle accompagne et renforce parfaitement, par ses airs jazzy, dans un premier temps l'atmosphère intrigante de la première partie et par la suite l'approche humoristique de la deuxième partie.

Canon Folder, semble être l'oeuvre d'Otomo la plus intime des trois, assurant lui même la réalisation de ce dernier court métrage.

On retrouve quelques uns des thèmes de Stink Bomb mais traités cette fois avec une formidable noirceur.

On suit la journée ordinaire d'une famille moyenne dans une société imaginaire qui se veut intemporelle ; un univers oppressant et paranoïaque ou chaque communauté vie autour et pour une seule chose : un canon énorme, érigé en Dieu.

Cette société semble lutter contre un ennemi hors d'atteinte dont on finit par douter de l'existence tant la population ne semble pas s'en préoccuper.

Les journées, les vies de ces entités qui forment ces sortes de fourmilières ne sont rythmées que par les tirs du canon.

On évolue dans un univers martial, ultra-hiérarchique et autoritaire, quasi carcéral, où les contremaîtres portent la petite moustache et où le summum de la réussite (et de la mégalomanie) est incarnée en la personne qui "appuie sur le bouton".

On retrouve dans les décors, par le biais des symboles et des typographies, l'évocation des heures les plus noires de l'humanité: les dictatures chinoises, Staliniennes, SS, même les USA .

D'un point de vue technique, canon folder est atypique car tourné magistralement en un seul plan séquence.

Les décors très travaillés et ultra détaillés, jusqu'à l'indigestion même, contrastent avec les traits crayonnés et l'aspect caricatural et stéréotypé des personnages qui renforce le coté inhumain et robotisé de cet univers.

Pourtant, rien de plus émouvant, à la fin, que le regard de ce père conscient du monde qui l'entoure vers ce fils si naïf plein de rêves et d'espoir qu'il sait finalement condamné au même sort que lui.

Avec ce troisième opus, on atteint une sorte de paroxysme de la noiceur. Otomo écrit ici une sorte de symphonie à la manière de The Wall, un univers qui lui servira de base à l'élaboration du scénario de Steam Boy.

J'ai été largement séduis par Memories et ce sur plusieurs points

D'une part, le format dynamique du court métrage donne un avantage à l'oeuvre où on ne risque jamais de tomber dans l'ennui. Chaque film a un message à faire passer, et Otomo le fait vite et bien sans que cela soit trop au détriment des personnages.

Par ailleurs, la disposition des épisodes (esthétique - humoristique - philosophique) guide parfaitement le spectateur et Otomo montre sa maîtrise des différents aspects sous lesquels aborder un animé.

Enfin, Otomo fait passer ses messages de différentes manières (subtilité, humour...), sans sembler pour autant s'ériger en moralisateur.

Une grande réussite à mon avis.

Verdict :9/10
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A propos de l'auteur

Lombricus, inscrit depuis le 04/01/2007.
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