La psychologie est une science, et non pas le fruit d'une envie

» Critique de l'anime Death Note par Oceuss le
03 Septembre 2014

Critique datée ne reflétant plus forcément mon opinion

Death Note est un anime que j'avais vu pour la première fois il y a trois ans. A cette époque, je lui aurai mis sans aucune hésitation la notre de 9/10. Depuis ces trois ans j'ai bien changé, et mon point de vu sur cet anime lui aussi.

Death Note est censé être l'apologie suprême du combat psychologique et de l'opposition de deux idéaux de la justice dans le domaine de la japanimation et de la littérature japonaise. Il se trouve que ces deux choses font parti de mes sujets favoris. Analyser l'esprit des gens est tout un travail complexe qui consiste à décortiquer la moindre petite information, et quant à la justice, c'est un sujet difficile, car de nombreux idéaux sont valables, et souvent on se retrouve à devoir faire un choix entre la punitive et la douce.

Et c'est pour cela que Death Note marche : prenez deux sujets complets et complexes, rajoutez des putains de graphismes qui font pâlir encore énormément d'anime de 2014, des ost à vous exploser les tympans tellement vous les écouterez, une enquête policière, et un soupçon de magie. Vous avez un véritable cocktail explosif qui touchera énormément de monde.

C'est grâce à ça que Death Note marche, et il le mérite.

Alors pourquoi ma note est-elle si basse ? Car c'est un manga qui dans tous les sujets traités qui sont des sujets très difficiles, s'adresse aux novices. De par la complexité des sujets abordés, le format simple fait mouche. Mais pour toute personne qui se penche un peu plus sur la question, le résultat est loin d'être similaire.

Je vais aborder ça point par point. Commençons par les personnages.

Je me dois de vous expliquer tout le mépris que j'ai pour le personnage de Light, non pas pour ses actions, mais pour sa construction. Résumons-le sommairement : Light est un surdoué précoce. Promis à un grand avenir, il est également très beau, plein de charme, très rhétorique, et champion junior de tennis. N'importe quelle fille rêve de sortir avec lui. Son père est policier de renommé et bosse pour Interpole, autrement dit, il est loin d'avoir un mauvais niveau de vie. Ajoutez à ça une gentille et jolie petite sœur et une maman tout ce qu'il y a de plus cool, et vous avez le personnage parfait.

C'est déjà un problème. Light est pour ainsi dire, parfait (à part son prénom). Cela pose déjà un gros problème sur la base : impossible de s'identifier sur n'importe quel point à lui, ce personnage est supérieur partout. C'est un gros problème, car se placer dans sa peau devient difficile pour un public peu averti.

Mais quand Light rentre en possession du Death Note, il décide de devenir Kira, et d'utiliser sa propre conception de la justice, car il se considère comme le juge de l’humanité, et tuera ceux qui s'opposent à son idéal.

Expliquez-moi comment un gamin qui a tout ce qui est possible dans la vie, peut avoir un jugement aussi froid et aussi simpliste sur l'attitude de l'humanité ? Light n'a jamais eu de problèmes dans sa vie, il ignore tout de "ce monde pourri" dans il parle si bien dans le premier épisode. On est pas dans le cas d'un Lelouch dont la mère a été assassiné et qui a été forcé de s'exiler dans un pays conquit avec sa sœur et qui voue un haine à son père qui l'a renié, non. On parle d'un type qui mène la vie la plus enviable du monde ! Il est censé être un surdoué, alors comment peut-il juger ainsi l'humanité en la départageant entre gentils et méchants de manière simpliste en considérant que tout ce qui est derrière les barreaux est un ennemi de la société, en sachant que la justice n'est pas omnisciente et qu'elle peut se tromper, alors qu'il n'a aucune idée de ce qu'est la face d'un monde pourri ? Et même, s'il est un tel génie, il devrait savoir que rien n'est blanc ou noir, bien au contraire ! Et au lieu de progresser vers une vision plus globale et logique des choses, il ne fera que régresser tout du long jusqu'à conclure qu'il est le seul dieu et que tous les autres ne sont que des déchets ! Et, en sachant plus tard de la part de Ryuk qu'il n'y a rien après la vie, ce type devient encore plus fou et en déduit qu'il doit encore moins se gêner pour prendre la vie de gens qui n'ont rien après la mort !

Donc je résume : Light est un véritable psychopathe, équipé d'une arme au potentiel de destruction colossal, qui n'a aucune raison de l'être, et encore moins de savoir ce qu'est la vraie face du monde vu que lui n'a expérimenté que le positif ! Et c'est ce dégénéré qui sert de (anti-)héros ? Non, pour moi il n'a décidément aucun charisme, il peut porter autant de pomme qu'il veut pour bien nous montrer qu'il tient le fruit défendu, ça n'en reste pas moins un personnage incohérent et très mal construit. Et je ne respecterai pas un type qui tue deux cents personnes en quatre épisodes.

Deuxième cas, L. L'attitude globale de L, beaucoup plus variée que Light, le rend déjà bien plus charismatique que ce dernier. Il a beau être surdoué lui aussi et très bon en sport, ça reste un geek accroc au sucre, avec des cernes et la peau blanche. Malheureusement... Comment imaginer qu'il a réussi seul à résoudre des cas jugés impossibles par Interpole sans disposer des moyens de cette organisation et que ces derniers par dépit se tourneraient vers ce parfait inconnu dont l'identité est tenue secrète...? Par ailleurs, vu que les idéaux de L sont ceux de la police et qu'elle lui donne carte blanche, pourquoi ce dernier n'en fait tout simplement pas parti ? Pour du kikou-mystère ouais. Et, je tiens à savoir ce qu'est la conception de la justice de L. Alors oui, il gueule "Je suis la justice !" à la fin d'un épisode. Mais sinon c'est quoi sa vision ? On suit bêtement la police, mais on trucide un gars ou deux pour en chopper un autre ? Pourquoi ? Comment ?

Troisième cas, le pire d'entre tous : Misa Amane. Alors oui, introduire un autre Death Note qui fait soudainement irruption, c'était une bonne idée. Par contre, en faire une lolita-gothique complètement attardée dans ce monde censé être un centre névralgique d'intellect pur et dur, qui se contente d'aimer d'une manière aussi torride et étrange qu'une Yuno pour son Yukki-Light parce que... heu... parce que voilà hein, elle a juste de la reconnaissance pour Kira à la base, mais son amour de Light il vient de nul part, et qui plus est l'affublé d'un shinigami qui se la joue gentil et protecteur car Deus Ex-Machina en aura besoin pour une scène... Pitié. C'est juste du pur fan service immonde et baveux qui n'a rien à faire là où il est (qui s'habille quotidiennement en lolita à couette s'il-vous-plaît ? Et qui plus est, qui est censée être mannequin !). Cette fille a vécue le meurtre de ses parents, certes, mais son état psychologique me parait curieusement bien stable pour quelqu'un qui en arrive à aimer un type par un coup de foudre au point de se faire traiter comme une véritable merde vivante tout le long de l'anime et que ce dernier ne semble pas avoir trop de problème à traîner avec d'autres femmes qui plus est. Ah, et oui, elle aura divisée par quatre sa durée de vie pour la tronche de Light (d'ailleurs de base elle aurait dû vivre plus cent ans du coup, sinon elle serait morte et enterrée en cours de route. Oui, j'imagine que l'auteur n'a même pas pensé à ça, en fait). Elle ne montrera aucune preuve de folie, juste de la connerie totale et absurde tout le long. Plus jamais un personnage comme ça.

Enfin, Ryuk. C'est triste. Ce personnage, de part son humour noir et sa présence, est plutôt énorme. Mais plutôt qu'utiliser Ryuk comme un manipulateur de l'ombre, l'auteur en a fait un chien-suivant qui se contentera de poser des questions à Light, passant ainsi pour le débile de service parce que lui et nous, n'avons rien compris aux pseudo duels psychologiques qui fondent le cœur de l'intrigue, et qu'il faut bien un crétin qui se fasse expliquer la chose.

Parce que oui, parlons des duels psychologiques. Dans ce genre de cas de figure, on métaphorise tout ça généralement par un échiquier géant, où le but est de prévoir à l'avance les multiples coups de l'adversaire et d'y préparer une riposte pour chacun d'entre eux. Mais alors, Light et L, c'est plus que ça. C'est qu'ils anticipent sur des dizaines de coups à l'avance ! Non seulement le répétitif casse très rapidement tout l'effet impressionnant que la scène peut avoir, mais surtout, la fluidité et la facilité déconcertante avec laquelle les personnes évoluent dans cette situation, et le fait qu'on y comprenne absolument rien tellement l'enchaînement est rapide, d'où l'utilisation du crétin de service, aka Ryuk, rendent le tout très peu réaliste. C'est comme si chacun n'était jamais surpris de l'autre. Et avec du recul, on se rend compte que le fait que tout est prévu sur papier est plus qu'apparent. Syndrome Deus Ex-Machina qui fait juste en sorte que le scénario progresse sans accroches, c'est presque de la télépathie ou de la lecture dans le temps. Résultat, cette guerre psychologique en devient très vite lassante et incohérente, en plus de faire passer Sherlock Holmes ou Batman pour des gosses attardés de trois ans suçant leur pouce et faisant dans leurs couvertures. D'autant que de nombreuses conclusions ne sont pas très logiques (allons L, tu enfermes Light mais tu sais que le pouvoir de Kira est d'origine magique et qu'il dépasse la logique humaine, comment peux-tu être si persuadé que ce dernier n'a pas une botte secrète ou que les talents du Death Note peuvent aussi bien tous être faux ?). Le résultat fini par en être parfois absurde, mais c'était à prévoir vu comment l'auteur s'est perdu dans sa préparation sur papier des scènes, tellement il voulait pousser son délire de plus en plus loin.

Je passe volontairement sur l'incohérence globale du monde et la méconnaissance de l'univers judicaire. Je rajouterai juste que la séparation des pouvoirs c'est un truc de base que n'importe qui est censé connaître.

Je veux désormais aborder le deuxième thème de Death Note, la conception de la justice.

Et maintenant dites-moi où est cet affrontement ? Où est le développement de cette justice dans cet anime ? A quel moment à part les spitch vides d'intérêt que lancent laconiquement les personnages durant leurs monologues puérils, cette idée est réellement abordée ?

Light tue des personnes qui sont enfermés pour toute leur vie ou condamné à mort. Bravo, quel sens aigü de ce que doit être la justice. Donc ça ne change rien à rien, si t'es un criminel et que tu te fais pas avoir, tu ne risques rien. Génial. En voilà une sacrée justice. L'auteur devrait ouvrir le Dernier jour d'un condamné, de notre cher Victor Hugo. Histoire de voir que ce que fait Light, c'est presque comme si il aidait certains criminels à fuir l'angoisse morbide de la mort préparée. Quant à L ? Oh, eh bien l'idée n'est même pas effleurée. A aucun moment on ne saura ce qu'est sa vision de la justice. Finalement il ne fait que son enquête pour le compte d'un autre et utilisera des moyens assez brutaux, mais n'abordera jamais ce sujet sur ce que devrait être la justice et comment elle devrait être appliquée.

Death Note est un thriller foiré, composé d'un nombre d'incohérences et d'âneries colossales, effleurant à peine ou très mal les sujets qui le compose, mais qui profite bien du fait que la plupart des gens n'y portent pas attention, et qu'il a un aspect visuel et auditif qui claque et lui sauve la mise. Finalement oui, c'est original et beau, mais c'est construit avec un empilement de papier qui menace de s'écrouler à chaque secondes et n'est sauvé que grâce à ce bon vieux Deus Ex-Machina.

D'un point de vu novice, je lui mettrai 15. D'un point de vu plus averti, il ne vaut pas plus de 7/20. Aller, j'arrondis au supérieur.

Verdict :4/10
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A propos de l'auteur

Oceuss, inscrit depuis le 26/06/2014.
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