TSUKIHIME — Quand le sage montre la Lune, l’imbécile regarde l’anime

» Critique de l'anime Tsukihime par Deluxe Fan le
04 Septembre 2023
Tsukihime - Screenshot #1

Shingetsutan Tsukihime est l’adaptation du visual novel Tsukihime, produit par Type-Moon et écrit par Kinoko Nasu, également auteur de Kara no Kyôkai et de la licence Fate entre autres. Le jeu vidéo était sorti en 1999, tandis que l’adaptation anime qui va nous intéresser ici a été diffusée en 2003, c’est-à-dire il y a précisément vingt ans. C’est assez vertigineux de se dire que les gens qui regardaient cette série à l’époque doivent avoir au moins trente ans voire pas loin de quarante ans aujourd’hui. J’imagine ces mecs vers 2004-2005, en T-shirt dans leur chambre devant leur vieux laptop Acer, en train de regarder des fansubs de Tsukihime en streaming illégal sur Hinata-Online tout en se paluchant sur Arcueid en évitant de faire trop de bruit pour pas réveiller les parents qui dorment à côté. Et ces mecs-là maintenant en 2023 ils ont une femme, deux ou trois gosses, ils bossent à la CPAM des Alpes-Maritimes, ils vont au boulot dans leur Renault d’occasion et passent la journée à être payés à rien foutre comme tous les fonctionnaires, puis quand ils rentrent dans leur petit pavillon de banlieue acheté à crédit ils sont tellement fatigués d’avoir rien foutu de la journée qu’ils ont plus envie de faire quoi que ce soit, et leur seul divertissement à ces mecs-là maintenant c’est le week-end quand ils vont à Auchan pour faire les courses de la semaine avec les gosses qui courent partout, et quand ils passent dans le rayon céréales ils voient la tête de Naruto sur un paquet de Chocapic et ils se souviennent, subrepticement, de cette époque où ils regardaient des animes en streaming illégal sur Hinata-Online.

Tsukihime - Screenshot #2Shiki Tohno est un garçon qui cache un lourd passé ; issu de la riche famille Tohno dont il était censé être l’héritier, il en a été exclu à la suite d’un grave accident dans son enfance. A la mort de Makihisa, le patriarche, Shiki revient dans la maison familiale désormais dirigée par sa sœur Akiha qui est l’héritière de la famille. Les choses prennent un tour encore plus mystérieux lorsque Shiki fait la rencontre de Arcueid, une femme qui enquête sur la série de meurtres qui frappe la ville. Shiki se retrouve mêlé à cette affaire et découvre vite que le tueur est un vampire, et Arcueid est carrément la princesse des vampires.

Si vous voyez marqué vampire dans le résumé et que vous vous dites que ça va être un truc à la Hellsing ou Blood The Last Vampire qui datent d’à peu près la même période, vous allez tomber à côté. Ici on n’est pas dans l’action ni vraiment dans l’horrifique, mais plutôt dans le fantastique au sens premier du terme. Le genre fantastique tel qu’il s’est développé au XIXème siècle c’est des histoires de gens normaux dans un contexte normal qui se retrouvent confrontés à des choses extraordinaires qui les dépassent et qu’ils n’arrivent pas à comprendre. C’est typiquement le cas avec cette série où le personnage principal débute en arrivant dans ce vaste manoir évidemment rempli de secrets glauques, on dirait le début d’une nouvelle d’Edgar Allan Poe. La suite s’oriente vers quelque chose de plus proche de l’urban fantasy, mais toujours avec ce rythme lent qui privilégie l’atmosphère à l’action ; sans aller jusqu’à dire qu’il se passe que dalle, on en est pas loin quand même. Sur les douze épisodes il doit pas y avoir plus de trois ou quatre combats et ça ressemble plus à des clochards qui se battent au couteau dans des ruelles sombres que des tirs de lasers magiques avec une animation dynamique.

Tsukihime - Screenshot #3L’ambiance peut donc être plaisante si l'on est réceptif à ce type de proposition, en revanche l’intrigue en elle-même ne s’élève pas plus haut que ce que l’on peut attendre d’un visual-novel amateur. En gros tu as le protagoniste Binoclard-kun qui se retrouve entouré d’une bande de jolies gonzesses parmi lesquelles une princesse vampire, une lycéenne exorciste, sa sœur magicienne, sa femme de chambre habillée en soubrette et sa jumelle également femme de chambre habillée en soubrette ainsi que son amie d’enfance ou je sais pas trop quoi ; et évidemment toutes ces filles vont se battre contre les méchants vampires, mais aussi et surtout concourir pour sucer la bite de Binoclard-kun qui pour le coup n’a vraiment rien demandé. C’est complaisant, c’est fait pour titiller les adolescents qui pensent que eux ils regardent des animes pour les grands. La série donne quelques indications sur son univers étendu, mais le script ne fait pas vraiment le job s’agissant d’amener un peu de contexte ou de matière à son lore ; ce qui est un comble quand on sait ce que Nasu a produit par la suite. Cela dit je préfère cela plutôt qu’un anime blindé de références qui serait réservé aux fans, d’autant que la conclusion de la série est assez satisfaisante même si finalement ça ne m’a pas aidé à comprendre qui sont tous ces autres persos de Melty Blood.

Tsukihime - Screenshot #4D’un point de vue technique on va pas se mentir cette ère de l’animation japonaise où les studios transitionnent vers le numérique n’est pas la période la plus fameuse au niveau artistique même si paradoxalement c’est une de celles où on a eu droit à certaines des meilleures séries télé, justement parce les moyens de production plus accessibles ont permis à plein de nouvelles choses d’apparaître à l’écran ; et Tsukihime est typiquement le genre de production qui n’auraient pas pu être produites cinq ou dix ans plus tôt. Ce n’est pas un hasard si toutes les adaptations de VN célèbres datent de ces années-là ; Kimi ga Nozomu Eien, Fate Stay Night, Higurashi, Clannad, sans parler des machins de Idea Factory ou de School Days et d’autres trucs réservés aux adultes. Et ces séries ont été de grands succès même si elles étaient moches, parce qu’elles apportaient quelque chose de différent et qui venait du fandom otaku. Ça rappelle un peu ce que l’on voit aujourd’hui avec le succès des animes tirés de web-novel ou de doujin, sauf que maintenant ce sont ces animes qui bénéficient de moyens de production extraordinaires.

Tsukihime - Screenshot #5Concernant Tsukihime on va pas se mentir même pour l’époque c’était pas ouf ; la même année tu avais L’Odyssée de Kino qui lui non plus n’était pas super beau mais qui proposait une cinématographie bien plus riche, et puis en termes d’écriture c’était un autre niveau. Il y a quand même quelques bons points, le chara-design de la série est je trouve plus intéressant que les têtes de criquets que Takashi Takeuchi dessine habituellement, et la bande-son est 90s à souhait, faut avouer que la musique d’animes à ce moment-là c’était autre chose.

Le grand intérêt de Tsukihime c’est d’être représentatif de ce qui se passait à cette période précise de l’animation japonaise où une vague d’animes adaptés de VN et autres productions amateurs déferlent sur l’industrie et embarquent un public avide de productions qui sortent de la norme télévisuelle incarnée alors par des séries comme Naruto, Gundam Seed ou Fullmetal Alchemist. Au-delà de l’aspect archéologique c’est une série moyenne avec une mise en scène plate et neutre qui appuie bien le côté mystérieux et fantastique de son récit, même si on se demande si cela relève d’une intention artistique ou juste que le studio était complètement fauché ; mais la vraie richesse d’une œuvre elle est pas dans le pognon elle est dans le cœur. Et quand notre mec qui regardait des fansubs illégaux de Tsukihime en 2005 sur Hinata-Online en se branlant sur Arcueid se souvient de cette époque, lui qui a maintenant une femme trois gosses et une Renault d’occasion, il se dit que finalement il préfère sa vie actuelle plutôt que d’être encore à regarder des animes parce que celui qui continue à regarder des dessins animés japonais passé l’âge de trente ans c’est nécessairement un déchet humain. 6,5/10

Verdict :6/10
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A propos de l'auteur

Deluxe Fan, inscrit depuis le 20/08/2010.
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