Un ovni de la japanimation débordant de maturité et de profondeur

» Critique de l'anime Fullmetal Alchemist : Brotherhood par orphée le poète le
27 Janvier 2016
Fullmetal Alchemist : Brotherhood - Screenshot #1

Alors que le monde entre dans un nouveau millénaire, que le marché du manga de combat explose avec les très réputés One Piece, Naruto, Hunter X Hunter (et j'en passe), le très fameux et hétéroclite studio de jeux vidéos Square Enix édite le 12 Juillet 2001 un manga qui va changer la vision de nombreux otaku en tout genre: Fullmetal Alchemist de Hiromu Arakawa, auteur et dessinatrice virtuose alors âgée de 28 ans.
Le préface du premier manga paru en France annote une citation de l'auteur: "J'aime bien les films de série B. Quand je regarde, je me dit: c'est quoi ce truc? ça rime à rien!. Et pourtant j'arrive toujours à voir la fin sans voir le temps passer? Ça doit être l'ambiance que j'apprécie même si c'est stupide. J'ai toujours voulu ajouter ce petit goût particulier à mes mangas et c'est de cette idée qu'est né Fullmetal Alchemist".
Et pourtant, à l'instar de ce préface, Fullmetal Alchemist n'a rien d'un simple divertissement de série B car il s'agit d'un des mangas les plus profonds et les plus aboutis qu'il m'aie été donné de lire, puis de voir.

Vous l'avez compris, je suis fan de Fullmetal Alchemist. Il s'agit de mon manga préféré et je fus bluffé par la prouesse réalisé par le studio Bones dans ses deux adaptations. En effet, dans leur première version de 2003, le manque de contenu du manga a poussé le studio, âgé de seulement 5 ans, à inventer sa propre légende FMA, et quoi qu'on en dise, c'était particulièrement bien fait. En 2009, Bones double la mise et puise dans son expérience pour produire une adaptation qui suit le manga à la lettre et c'est de cette version dont nous allons parler.

Fullmetal Alchemist : Brotherhood - Screenshot #2Au niveau de la forme, Bones nous livre une de ses oeuvres les plus dantesques. La réalisation nous en met plein la vue avec des scènes d'action rythmées, des couleurs qui percent la rétine, une animation fluide et dynamique, des seiyus de grande qualités et des opening inoubliable. On retiendra en particulier le premier opening, sur la musique "Again" de Yui qui surprends pas mal pour un anime d'action/aventure. Il s'agit d'un thème plutôt calme et mélancolique dans ses couplets, puis ça monte en puissance avec des acrobaties vocale pour finir sur un refrain épique. J'ai également été marqué par le troisième opening, "Golden Time Lover" de Sukima Switch, dont la déstructuration psychédélique du morceaux renforce l'ambiance à double rythme de l'arc qu'il introduit à chaque épisode.

Parlons maintenant du fond issu de l'imagination de Arakawa et je vais essayer d'expliquer pourquoi Fullmetal Alchemist est génial.

D'abord, cette oeuvre déborde d'originalité pour un manga d'action grand public. On assiste à la déconstruction du héros typique de "shônen" d'action classique. En effet, le schémas qu'on avait l'habitude de suivre dans des grandes productions de l'époque comme HxH, One Piece, Pokemon ou Naruto était le suivant:
Le héros est un adolescent bourré de talent mais méconnu qui veut montrer au monde son potentiel. De se fait, il se fixe un but élevé et recherche constamment plus de puissance. Il s'associe avec des personnes qui ont un but similaire au sien et se trouve un rival qui va le pousser à constamment s’entraîner pour le dépasser.
Dans Fullmetal Alchemist, le personnage de Edward Elric ne suit pas vraiment ce schémas puisqu'il ne recherche pas plus de puissance. Ses aptitudes au combat sont constamment en deça de ses adversaires et il progresse assez peu. Il est souvent dépassé par les événement et gagne d'avantage en maturité qu'en force brute au fur et à mesure de l'histoire.
Ce parti pris est particulièrement efficace, rendant le personnage d'Edward d'avantage humain puisqu'il n'acquiers jamais de force démentielle et possède une personnalité et une psychologie approfondies.
De plus, Edward, bien qu'étant le héros de l'oeuvre, est plus souvent spectateur des évènements. On voit l'histoire à travers ses yeux mais son objectif est ailleurs. Il veut retrouver son corps et est initialement prêt à tout pour cet objectif. Or, cet objectif est placé en arrière plan d'une histoire de manipulation politique et d'arts occultes sans que Edward puisse apporter son soutient durant la majorité de l'oeuvre.
L'autre originalité marquante vis-à-vis de ce personnage est qu'il démarre son aventure dans le mauvais camp. En effet, l'empire d'Amestris pour qui il travaille en tant qu'alchimiste d'état est une société totalitaire, corrompue, n'hésitant pas à commettre des génocides pour parvenir à ses fins. On remarquera d'ailleurs la non présence d'élément perturbateur dans cette histoire (mis à part peut être Scar) car le contexte marquant de l'oeuvre est antérieur au point de départ chronologique. L'ensemble des partenaires des deux frères ont annihilés un peuple en suivant les ordres de leurs nations et cherchent la paix intérieure qu'ils n'atteindront jamais.

Fullmetal Alchemist : Brotherhood - Screenshot #3Fullmetal Alchemist se démarque également en étalant un large panel de références historiques. L'histoire est une analogie de l'Allemagne Nazie, en changeant quelques codes et intégrant des éléments anachroniques à l'histoire (comme la découverte de la Chine avec le prince de Xing et le fait qu'elle se déroule en 1914 (et non en 1933). De plus, le peuple génocidé, Ishval, est un peuple du désert, très religieux, priant le dieu Ishvalla (faisant parfois penser au peuple Arabe avec le dieu Allah). On remarquera également que les habitants de la ville de Liore, dotée d'églises faisant penser au christianisme et vivant à l'Est du territoire, évoquent les populations d'Europe de l'Est. De plus, le personnage de Roy Mustang se rapproche d'un Jean Moulin (le résistant se battant de front) alors que le général Grumman, dirigeant la résistance à distance fait d'avantage penser au général De Gaulle. Enfin, les références mythologiques et religieuses sont également très présentes (comme les chimères, les sept péchés capitaux ou encore le peuple antique de Xerces enseveli sous le sable, tel Atlantis sous la mer).

Fullmetal Alchemist : Brotherhood - Screenshot #4Bien qu'ayant une apparence d'heroic fantasy, cette oeuvre est d'avantage proche du mouvement fantastique, voire de la science fiction car il s'agit d'un monde particulièrement crédible et ancré dans la réalité, en ajoutant une dose de sacré et de surnaturel. L'alchimie est fondée sur des principes scientifiques médiévaux et ses règles sont maîtrisées à la lettre. De plus, la religion occupe une part particulièrement importante si on sait interpréter l'oeuvre, car le concept de "Un est tout et tout est un", ainsi que de la "vérité" personnifiée et à peine visible fait penser à Dieu. En plus d'être une réflexion sur notre histoire et sur la politique, cette oeuvre se permet d'apporter des interrogations religieuses. Il s'agit d'un pari risqué, car souvent sujet à discordes.

Le coup de génie d'Arakawa et d'avoir su réunir dans son oeuvre des thématiques complexes et rudement bien menées. De la psychologie à la métaphysique, de la religion à la politique, cette oeuvre déborde de contenus variés, d'introspections, de mythes et de dramas et chaque personnage apporte son lot de réflexion. Que se soit le thème de la vengeance avec Roy Mustang ou celui de la rédemption avec Scar, chaque arc est crédible et chaque réflexion est particulièrement mature. On assiste d'avantage à une oeuvre s'addressant à des adultes qu'à des adolescents. De plus, la violence de certaines scènes marque la rétine pour des années à venir (et tous ceux qui ont vu la chimère de Tucker savent de quoi je parle).

Ainsi, à tous ceux qui sont encore étrangers à l'univers de Fullmetal Alchemist (sérieux les gars...), foncer voir cet anime ou lire le manga, car il serait dommage de passer à côté d'une des œuvres de la pop-culture japonaise les plus abouties et les plus marquantes. En tout cas, de mon point de vue, il s'agit de la meilleur chose que les Japonais m'aient apportés et je tiens à remercier du fond de mon coeur Hiromu Arakawa et le studio Bones de m'avoir servi ce pur chef d'oeuvre qui a marqué ma vie et qui s'est ancré profondément dans ma façon de penser, au même titre qu'un 1984 de Orwell. Comme quoi, on est très loin de la série B que la trop modeste Arakawa pensait nous livrer.

Fullmetal Alchemist: 20/20 (et il s'agit de la seule note parfaite que je vais donner sur ce site depuis ma seconde vague de critique)

Verdict :10/10
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A propos de l'auteur

orphée le poète, inscrit depuis le 13/03/2015.
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